LIVRON



Lacroix : Statistiques du département de la Drôme 1835



LIVRON



LIVRON (Castrum Liberonis). - Ce bourg est à 19 kilomètres sud de Valence, entre cette ville et Montélimar, sur le penchant d'un coteau fortement escarpé, dominant la belle plaine qui forme comme un riant jardin au confluent de la Drome et du Rhône. Sa population est de 3,275 individus. Généralement mal bâti, on n'y remarque guère que la maison d'habitation de M. le comte de Sinard, construite avec goût, et d'où l'on jouit du plus agréable point de vue.
Quatre hameaux et plusieurs maisons éparses dépendent de cette commune.
C'est au bas de l'éminence occupée par le bourg que se trouve le point de jonction de la grande route de Lyon à Marseille avec la Drome ; c'est là aussi qu'on voit le beau pont auquel cette rivière a donné son nom. Il a remplacé celui qui fut construit dans le XVIme siècle avec le produit des indulgences, et qui n'eut, à ce qu'il paraît, qu'une courte durée. On faisait alors un grand usage de cette ressource : en même temps qu'on s'en servait pour construire le pont de Livron, Léon X l'employait ailleurs pour enrichir la cour de Rome, ce qui donna lieu à l'opposition et au schisme de Luther.
Il se tient à Livron quatre foires par an, et c'est son territoire qui donne l'excellent vin de Brezème. Il y a un martinet pour les ouvrages de taillanderie, de beaux moulins, des fours à chaux, des tuileries et des tanneries.
On y voit encore les ruines d'un château-fort démoli sous le règne de Louis XIII, et dont une des tours, qui était d'une haute antiquité, fut l'objet de plus d'un conte ridicule. Gervasius de Tilisberi dit que, de son temps (1210), elle ne souffrait ni garnison ni sentinelle la nuit ; que le lendemain ceux qu'on y avait laissés se trouvaient au bas de l'éminence, où ils étaient portés sans s'en apercevoir.
Il est souvent parlé de Livron dans l'histoire de nos discordes civiles. Il fut brûlé en 1345, dans la guerre des Épiscopaux, entre l'évêque de Valence et le comte de Valentinois ; mais les habitans le fortifièrent de nouveau, et pendant les troubles religieux du XVIme siècle c'était une des places les plus importantes du Dauphiné. Elle est surtout célèbre par le siége que les protestans, commandés par Dupuy-Montbrun et Lesdiguières, y soutinrent contre Henri III, dont l'armée, quoique forte de plus de 18,000 hommes, fut contrainte de se retirer avec perte, le 30 janvier 1575, après un siége qui durait depuis le 25 juin précédent, et pendant lequel l'armée royale était montée trois fois à l'assaut, et avait tiré 3,160 coups de canon.
On voit dans le jardin de M. de Sinard des projectiles trouvés en effondrant la terre, et qui datent certainement du siége de 1575.
On remarque également sur la terrasse de ce jardin une longue et lourde pierre sur laquelle est gravée une ancienne charte ; mais les caractères en sont si altérés, qu'il n'a pas été possible de la déchiffrer.
Toute l'enceinte et une grande partie de l'intérieur du bourg offrent de nombreuses ruines qui décèlent encore une ville saccagée.
La population est restée en plus grande partie protestante.
C'est sur le pont de Livron, et après le retour de Napoléon de l'île d'Elbe, qu'eut lieu, le 2 avril 1815, un combat sanglant entre les troupes royales venant du midi, et les gardes nationales du département qui s'opposaient à leur passage.
Relevé des titres de la commune de Livron relatifs à l'ancien pont de la Drome, déchiffrés et traduits par M. Moulinet père, ancien archiviste de la préfecture.
1° Compte de la recette et dépense du pont de Livron, le tout fait en 1511 et 1512, lequel coûta à ces époques 165 florins 14 gros 4 deniers ; ledit compte rendu par le commis et procureur de la commune de Livron.
2° Indulgences accordées, le 26 septembre 1512, par l'évêque de Maguelonne, lors de son passage en revenant du synode de Pisane, aux habitans de Livron, de quarante jours d'indulgence à tous ceux qui contribueraient de leurs biens à la confection du pont qu'on avait commencé au port dudit Livron, et pour la réparation et édifice dudit pont, et cela sous le bon plaisir de l'évêque de Valence.
3° Lettres-patentes du 12 octobre 1512 du cardinal Guillaume, archevêque de Narbonne, évêque de Nîmes, qui, sur l'exposé des habitans du lieu de Livron, principal passage de France en Provence, qu'il avait toujours existé un pont de pierre sur la Drome, que l'irruption des eaux avait détruit, et que lesdits habitans voulaient rétablir en pierre, mais qu'ils ne pouvaient le faire sans le secours des gens charitables, accorda cent jours d'indulgence à ceux qui fourniraient aux dépenses dudit pont.
4° Lettres du 13 novembre 1512 de Pierre, archevêque d'Aix, portant qu'ayant appris que les habitans de Livron, pour le service de la chose publique et pour éviter les dangers, se proposaient de faire construire un pont sur la Drome, au port dudit lieu de Livron, ce qu'ils ne pouvaient faire sans de grandes dépenses, il invite tous les fidèles vraiment pénitens et confessés à s'aider à construire ledit pont, leur accordant quarante jours d'indulgence sur leurs pénitences.
5° Compte de ce que Pierre de Corbières avait prêté à Bertrand Turc, procureur du pont de Livron, depuis 1512 jusqu'au 8 mars 1513, pour payer diverses personnes qui avaient charrié ou vendu des bois et chaux, et qui avaient charrié les pierres qu'on prenait à Montmeyran, montant à 42 florins. On y voit que la ville de Valence avait contribué à la construction de ce pont. Il y a aussi le compte de ce que ledit Corbières avait prêté au procureur du pont pour payer les ouvriers, et de ce qu'il avait reçu en blé et lui avait été rendu par ledit procureur.
6° Lettres du 14 avril 1513 de Claude de Tournon, évêque de Viviers, portant que les habitans de Livron, au diocèse de Valence, entendaient, pour le service de la chose publique et pour éviter les dangers, de construire ou faire construire un pont sur la Drome, au port de Livron, ce qu'ils ne pouvaient faire sans de grands frais et dépens ; c'est pourquoi il accorde à tous les fidèles qui se repentent et se sont confessés, et qui s'aideront à la construction dudit pont, quarante jours sur les pénitences qui leur ont été données, toutes les fois qu'ils y subviendront de leurs biens.
7° Lettres à triple expédition, du 23 août 1513, de Christophe de Salhient, vicairegénéral de Gaspard de Tournon, évêque de Valence et de Die, portant que la commune de Livron s'étant proposé de faire construire un pont de pierre sur la rivière de Drome, au-dessous du lieu de Livron, dans laquelle rivière il était arrivé, au temps passé, plusieurs périls et malheurs, lequel pont ladite commune avait déjà commencé, mais comme ses facultés ne lui permettaient pas d'en supporter toutes les charges, il ordonne à tous les curés et vicaires de laisser faire des quêtes aux procureurs dudit pont, et les invite à exhorter le peuple d'y eoncourir, accordant quarante jours sur les pénitences qui leur auront été infligées à tous ceux qui y concourraient de leurs biens, et ordonne aux curés et vicaires de faire faire des processions pour cette oeuvre pie et pour la paix et l'heureux état du roi et de la reine.

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